LA RÉVOLUTION
FRANÇAISE
REFORMES
ET RÉVOLUTION
Le mouvement de 1789
devait être, selon le désir général, un mouvement réformateur, et il est devenu, pour
des causes que j'indiquerai plus loin, un mouvement révolutionnaire. C'est à la fois son vice et sa condamnation.
Je le disais, il y a
quelques années : « Vers la fin du
siècle dernier, il s'est produit dans la société française un mouvement
d'idées dont rien ne permet encore de
prévoir le terme. Jusque-là, on
avait bien vu des nations modifier
sur quelques points les conditions de
leur vie publique, suivant les besoins des temps et l'état des esprits; et, dans le cours de sa longue
histoire, la France elle-même n'avait pas manqué,
à maintes reprises, d'approprier à
des situations nouvelles son régime
civil et politique. Dans de pareilles réformes,
inspirées par la justice et conduites avec sagesse, il n'y a rien qui ne soit
conforme aux vues de la Providence
et à l'ordre naturel des choses.
Mais une nation, rompant brusquement
avec tout son passé, faisant, à un moment
donné, table rase de son gouvernement,
de ses lois, de ses institutions, pour rebâtir
à neuf l'édifice social, depuis la base jusqu'au sommet, sans tenir compte d'aucun droit ni d'aucune tradition;
une nation réputée la première de
toutes, et venant déclarer à la face
du monde entier qu'elle a fait fausse route
depuis douze siècles, qu'elle s'est trompée
constamment sur son génie, sur sa mission,
sur ses devoirs, qu'il n'y a rien de juste
ni de légitime dans ce qui a fait sa grandeur et sa gloire, que tout est à recommencer et qu'elle n'aura ni trêve ni repos tant qu'il restera debout un vestige de son histoire : non, jamais spectacle aussi étrange ne s'était offert
aux regards des hommes .
Etait-ce donc bien le vœu de la nation, en 1789, que la France déchirât , en un jour de colère, sa glorieuse histoire pour se lancer dans le plus terrible des inconnus? Pas le moins du monde.Je viens de relire attentivement les cahiers dans lesquels clergé, noblesse et tiers-état avaient déposé l'expression libre et sincère de leurs vœux et de leurs sentiments; car « il n'y eut jamais d'élections plus libres que celles de 1789 (1) »
Charles
Emile FREPPEL Evêque d’ANGERS (1827-1891)
Discours prononcé à
l'inauguration du monument du général Lamoricière,
1879.
(1) Ch. Chassin. Le génie de la Révolution, T.
Ier, les élections de 1789, d'après les brochures, les cahiers et les procès-verbaux manuscrits, p. 217. L'auteur est un panégyriste enthousiaste de la Révolution.
Charles Émile Freppel
Charles
Émile Freppel; né à Obernai (Bas-Rhin), le 1 er juin 1827, décédé à Angers, le 23 décembre 1891,
évêque d'Angers et député à
l'assemblée nationale.
Après
avoir fait des études au grand séminaire de Strasbourg, il fut ordonné prêtre
en 1850. Professeur au séminaire de Strasbourg,
puis docteur en théologie, il devint ensuite professeur d'éloquence sacrée à la
Sorbonne en 1854.
Le
27 décembre 1870, il fut nommé à l'évêché d'Angers, où il créa une université
catholique, et le 6 juin 1880, il était élu député. Il siègea à droite, et prit une part des plus actives aux
débats parlementaires.
Il
s'éleva notamment contre l'instruction publique et obligatoire patronnée par l’Etat,
qu’il jugeait « inutile, inefficace, et tendant au socialisme d'État. », et il combattit
le rétablissement du divorce.
Il
fut réélu député du Finistère, le 14 octobre 1885, et il s'opposa notamment aux
poursuites contre le général Boulanger.
Freppel fut nommé Chevalier de la Légion d'honneur
en 1868.
Publications
¦Les
Pères apostoliques (1859)
¦Les Apologistes
chrétiens au deuxième siècle (1860)
¦Saint
Irénée et l'éloquence chrétienne dans la Gaule aux deux premiers siècles (1861)
¦Examen
critique de la «Vie de Jésus» de M Renan (1863)
¦La Révolution française à propos du centenaire de 1789 (1889)
Expulsion des Chartreux
ENCYCLIQUE
« VEHEMENTER »
de saint Pie X (11 février 1906)
adressée au Clergé et au Peuple de
France
sur la funeste loi de séparation
I ERREUR DE
PRINCIPE
Qu'il faille
séparer l'État de l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur.
Basée en effet sur ce principe que l'État ne doit
reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement
injurieuse pour Dieu; car le Créateur de l'homme est aussi le
Fondateur des sociétés humaines, et il les conserve dans l'existence comme il
nous y soutient. Nous lui devons donc non seulement un culte privé, mais un culte
public et social pour l'honorer.
En
outre, cette thèse est la négation très claire de l'ordre surnaturel. Elle limite en effet
l'action de l'État à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette
vie, qui n'est que la raison prochaine des sociétés politiques; et elle ne s'occupe en
aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière, qui
est la béatitude éternelle proposée à l'homme quand cette vie si courte aura pris fin.
Et pourtant l'ordre présent des choses, qui se déroule dans le temps, se trouvant
subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir
civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.
Cette thèse bouleverse également l'ordre établi par
Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les
deux sociétés. Ces deux sociétés, la société religieuse et la société
civile, ont en effet les mêmes sujets, quoique chacune d'elles exerce dans sa
sphère propre son autorité sur eux. Il en résulte forcément qu'il y aura bien des
matières dont elles devront connaître l'une et l'autre,
comme étant de leur ressort à toutes deux. Or, qu'entre l'État et l'Église l'accord
vienne à disparaître, et de ces matières communes pulluleront facilement les germes
de différends, qui deviendront très aigus des deux côtés; la notion du
vrai en sera troublée et les âmes remplies d'une grande anxiété.
Enfin,
cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut
pas prospérer ni durer longtemps lorsqu'on n'y fait point sa place à la religion,
règle suprême et souveraine maîtresse quand il s'agit des droits de l'homme et de
ses devoirs.
II VIOLATION DE TOUS LES ENGAGEMENTS PRIS PAR L’ETAT FRANÇAIS A L’EGARD DE
L’EGLISE ET DE SES MINISTRES.
SPOLIATION DES CATHOLIQUES DANS LEURS BIENS LES PLUS CHERS
Outre les préjudices et les injures que nous avons
relevés jusqu'ici, la loi de séparation viole encore le droit de
propriété de l'Église et elle le foule aux pieds. Contrairement
à toute justice, elle dépouille cette Église d'une grande partie d'un
patrimoine qui lui appartient pourtant à des titres aussi multiples que sacrés;
elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très légalement
consacrées au culte divin ou à la prière pour les trépassés. Quant aux ressources que la
libéralité catholique avait constituées pour le maintien des écoles chrétiennes
ou pour le fonctionnement de différentes oeuvres de bienfaisance
cultuelles, elle les transfère à des établissements laïques où l'on chercherait vainement
d'ordinaire le moindre vestige de religion. En quoi elle ne viole pas seulement
les droits de l'Église, mais encore la volonté formelle et explicite des donateurs
et des testateurs.
Il
nous est extrêmement douloureux aussi qu'au mépris de tous les droits la loi déclare propriété de
l'État, des départements ou des communes, tous les édifices ecclésiastiques
antérieurs au Concordat. .Et si la loi en concède l'usage indéfini et gratuit aux
Associations cultuelles, elle entoure cette concession de tant et de telles réserves qu'en réalité
elle laisse aux pouvoirs publics la liberté d'en disposer.
Nous avons, de
plus, les craintes les plus véhémentes en ce qui concerne la sainteté de ces
temples, asiles augustes de la majesté divine et lieux mille fois chers, à cause
de leurs souvenirs, à la piété du peuple français. Car ils sont certainement en danger, s'ils
tombent entre des mains laïques, d'être profanés.
Quand
la loi, supprimant le budget des cultes, exonère ensuite l'État de l'obligation
de pourvoir aux dépenses cultuelles, en même temps elle viole un engagement contracté dans une convention
diplomatique et elle blesse très gravement la justice. Sur ce point, en
effet, aucun doute n'est possible, et les documents historiques eux-mêmes en témoignent de
la façon la plus claire: si le Gouvernement français assuma dans le
Concordat la charge d'assurer aux membres du clergé un traitement qui leur permît
de pourvoir, d'une façon convenable, à leur entretien et à celui du culte
religieux, il ne fit point cela à titre de concession
gratuite: il s'y obligea à titre de dédommagement, partiel au moins,vis-à-vis de l'Église, dont
l'État s'était approprié les biens pendant la première Révolution.
D'autre part aussi, quand, dans ce même Concordat et par amour de la paix le Pontife
romain s'engagea, en son nom et au nom de ses successeurs, à ne pas
inquiéter les détenteurs des biens qui avaient été ainsi ravis à l'Église, il
est certain qu'il ne fit cette promesse qu'à une condition: c'est que le gouvernement
français s'engagerait à perpétuité à doter le clergé d'une façon convenable et à
pourvoir aux frais du culte divin.
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