[Deux opinions sur l'Islam institutionnel]
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La grande mosquée de Paris

Lors de l'inauguration de la mosquée de Paris et à l'occasion de la visite du Sultan du Maroc , Moulay-Youssef, Charles Maurras développait les réflexions suivantes:

•   Quelques rues du centre de Paris sont égayées par les très belles robes de nos visiteurs marocains. Il y en a de vertes, il y en a de toutes les nuances. Certains de ces majestueux enfants du désert apparaîtraient "vêtus de probité candide et de lin blanc" si leur visage basané et presque noir ne faisait songer au barbouillage infernal. Que leurs consciences soient couleur de robe ou couleur de peau, leurs costumes restent enviables; le plus négligent des hommes serait capable des frais de toilette qui aboutiraient à ces magnifiques cappa magna, à ces manteaux brodés de lune et de soleil. Notre Garde républicaine elle-même, si bien casquée, guêtrée et culottée soit-elle, cède, il me semble, à la splendeur diaprée de nos hôtes orientaux. Toute cette couleur dûment reconnue, il n'est pas moins vrai que nous sommes probablement en train de faire une grosse sottise. Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon. II n'y a peut-être pas de réveil de l'Islam, auquel cas tout ce que je dis ne tient pas et tout ce que l'on fait se trouve être aussi la plus vaine des choses. Mais, s'il y a un réveil de l'Islam, et je ne crois pas que l'on en puisse douter, un trophée de la foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où tous les plus grands docteurs de la chrétienté enseignèrent contre l'Islam représente plus qu'une offense à notre passé : une menace pour notre avenir.

          On pouvait accorder à l'Islam, chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants : c'étaient choses lointaines, affaires d'Afrique ou d'Asie. Mais en France, chez les Protecteurs et chez les Vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse. Quelqu'un me disait hier :

         - Qui colonise désormais ? Qui est colonisé ? Eux ou nous ? J'aperçois, de ci de là, tel sourire supérieur. J'entends, je lis telles déclarations sur l'égalité des cultes et des races. On sera sage de ne pas les laisser propager, trop loin d'ici, par des hauts parleurs trop puissants. Le conquérant trop attentif à la foi du conquis est un conquérant qui ne dure guère.

          Nous venons de transgresser les justes bornes de la tolérance, du respect et de l'amitié. Nous venons de commettre le crime d'excès. Fasse le ciel que nous n'ayons pas à le payer avant peu et que les nobles races aux- quelles nous avons dû un concours si précieux ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse.

 

                                                   Charles Maurras (1868 - 1952), écrivain,poète, philosophe et journaliste français.

L'Action Française du 13 juillet 1926

 

 


 

Extraits de la correspondance du Père Charles de Foucauld

 

Le P.Ch. de Foucauld jugeait ainsi la politique française et l’état de l’esprit public à l’égard de l’Islam et des musulmans dans quelques lettres privées.

Evangéliser ou exploiter ? L'indifférence de la France officielle l'exaspérait

 

« Depuis quatre-vingts ans qu'Alger est à nous on s’est si peu occupé du salut des âmes des musulmans qu'on peut dire qu'on ne s'en est pas occupé. On ne s'est pas occupé davantage de les bien administrer ni de les civiliser. On les a maintenus dans la soumission et rien de plus.

Si les chrétiens de France ne comprennent pas qu'il est de leur devoir d'évangéliser leurs colonies, c'est une faute dont ils rendront compte, et ce sera la cause de la perte d'une foule d'âmes qui auraient pu être sauvées. Si la France n'administre pas mieux les indigènes de sa colonie qu'elle ne l'a fait, elle la perdra et ce sera un recul de ces peuples vers la barbarie avec perte d'espoir de christianisation pour longtemps...(lettre à sa cousine Marie de Bondy, 1912)

 

« Algérie-Tunisie-Maroc-Soudan-Sahara! Quel bel empire ! A condition de le civiliser, de le franciser et non de se contenter de le maintenir et de l'exploiter.

« Si nous cherchons à le civiliser, à élever à notre niveau ces peuples qui sont trente millions maintenant et qui seront, grâce à la paix, soixante millions dans cinquante ans, cet empire africain sera dans un demi-siècle un admirable prolongement de la France.

Si oublieux de l'amour du prochain commandé par Dieu notre Père commun, et de la fraternité écrite sur tous nos murs, nous traitons ces peuples non en enfants, mais en matière d'exploitation, l'union que nous leur aurons donnée se retournera contre nous et ils nous jetteront à la mer à la première difficulté européenne.(lettre au comte de Foucauld, 1912)

 

« Il semble qu'avec les musulmans la voie soit de les civiliser d'abord, de les instruire d'abord, d'en faire des gens semblables à nous ; cela fait, la conversion sera chose presque faite elle aussi, car l'islamisme ne tient pas devant l'instruction...

L’oeuvre à faire ici, comme avec tous les musulmans, est donc une oeuvre d'élévation morale ; les élever moralement et intellectuellement par tous les moyens ; se rapprocher d'eux, prendre contact avec eux, lier amitié avec eux; faire tomber, par les relations journalières et amicales, leurs préventions contre nous, par la conversion et l'exemple de notre vie, modifier leurs idées ; procurer l'instruction proprement dite ; faire enfin l'éducation entière de ces âmes : leur enseigner, au moyen d'écoles et de collèges, ce qui s'apprend dans !es écoles et les collèges ; leur enseigner par un contact journalier, étroit, ce qu'on apprend dans la famille, se faire leur famille...

Ce résultat obtenu, leurs idées seront infiniment modifiées, leur moeurs améliorées par là- même, et le passage à l'Evangile se fera facilement (lettre à l'abbé Caron, 1906)

 

  Charles de Faucauld était réaliste. Il savait que les premiers à convertir étaient bien souvent les européens eux-mêmes :

«Nos nations civilisées - qui ont parmi elles bien des sauvages, bien des gens ignorant les premières vérités, … sont bien coupables de ne pas éclairer, répandre le bien, l'instruction, des lois de paix dans ces pays si arriérés. Cela serait si facile ! et au lieu de cela on se consume en folies, ou en guerres, ou en contradictions insensées ! » ( lettre au comte de Foucauld, 1906)

Charles de Faucauld revenait sans cesse sur ce grave sujet :

« Si nous n'avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu'ils deviennent français c'est qu'ils deviennent chrétiens. Sinon avant cinquante ans nous serons chassés de l'Afrique du Nord. » ( lettre à René Bazin, 1916)

« Si ces malheureux musulmans ne connaissent aucun prêtre, ne voient, comme soi-disant chrétiens, que des exploiteurs injustes, tyranniques, donnant l'exemple du vice, comment se convertiront-ils ? Comment ne prendront ils pas en haine notre sainte religion ? Comment ne seront-ils pas de plus en plus nos ennemis ?»( lettre au duc de Fitz-James, 1912)
                                       

                                                           

Lettre du père de Foucauld au capitaine Pariel, commandant de l'oasis de Figuig,
le 16 février 1912 :

Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l'Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie: une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruite à la française, sans avoir l'esprit ni le coeur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l'étiquette pour pouvoir par elle influencer les masses ; d'autre part, la masse des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée de nous, fermement mahométane, portée à la haine et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts, par les contacts qu'elle a avec les Fran­çais (représentants de l'autorité, colons, commerçants), contacts qui trop souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d'elle.

Le sentiment national ou barbaresque s'exaltera dans l'élite instruite : quand elle en trouvera l'occasion, par exemple lors de difficultés de la France au dedans ou au dehors, elle se servira de l'Islam comme d'un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à créer un empire africain musulman indépendant.

L'empire nord-ouest-Africain de la France, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française, etc., a 30 millions d'habitants ; il en aura, grâce à la paix, le double dans cinquante ans [rappelons que ceci est écrit cinquante ans avant l'indépendance de l'Algérie]. Il sera alors en plein progrès matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé d'habitants rompus au maniement de nos armes, dont l'élite aura reçu l'instruction dans nos écoles. Si nous n'avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu'ils deviennent Français est qu'ils deviennent chrétiens.

Il ne s'agit pas de les convertir en un jour ni par force mais tendrement, discrètement, par persuasion, bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à une prise de contact étroite et affectueuse, oeuvre surtout de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux que les prêtres et prendre un contact plus intime.

Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D'une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s'y opposent ; avec certains, il y a des accommodements ; avec l'un, celui du mehdi, il n'y en a pas : tout musulman (je ne parle pas des libres-penseurs qui ont perdu la foi) croit qu'à l'approche du jugement dernier le mehdi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l'Islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non-musulmans.

Dans cette foi, le musulman regarde l'Islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants ; s'il est soumis à une nation non musulmane, c'est une épreuve passagère ; sa foi l'assure qu'il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la sagesse l'engage à subir avec calme son épreuve ; « l'oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes et se casse les ailes ; s'il se tient tranquille, il se trouve intact le jour de la libération », disent-ils ; ils peuvent préférer telle nation à une autre, aimer mieux être soumis aux Français qu'aux Allemands, parce qu'ils savent les premiers plus doux ; ils peuvent être attachés à tel ou tel Français, comme on est attaché à un ami étranger ; ils peuvent se battre avec un grand courage pour la France, par sentiment d'honneur, caractère guerrier, esprit de corps, fidélité à la parole, comme les militaires de fortune des XVIe et XVIIe siècles mais, d'une façon générale, sauf exception, tant qu'ils seront musulmans, ils ne seront pas français, ils attendront plus ou moins patiemment le jour du mehdi, en lequel ils soumettront la France.

De là vient que nos Algériens musulmans sont si peu empressés à demander la nationalité française : comment demander à faire partie d'un peuple étranger qu'on sait devoir être infailliblement vaincu et subjugué par le peuple auquel on appartient soi-même ? Ce changement de nationalité implique vraiment une sorte d'apostasie. Un renoncement à la foi du mehdi.

 

"Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ?"

Cette lettre, adressée par le Père Charles de Foucauld à René Bazin, de l'Académie française, est parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, 5, octobre 1917.

Elle a été publiée sur le site de la Fondation de service politique, à l'occasion de la béatification du Père de Foucauld par le pape Benoît XVI, le 13 novembre 2005, à Rome.

JESUS CARITAS,

Tamanrasset, par lnsalah, via Biskra, Algérie, 29 juillet 1916.

Monsieur,

Je vous remercie infiniment d'avoir bien voulu répondre à ma lettre, au milieu de tant de travaux, et si fraternellement. Je pourrais, m'écrivez-vous, vous dire utilement la vie du missionnaire parmi les populations musulmanes, mon sentiment sur ce qu'on peut attendre d'une politique qui ne cherche pas à convertir les musulmans par l'exemple et par l'éducation et qui par conséquent maintient le mahométisme, enfin des conversations avec des personnages du désert sur les affaires d'Europe et sur la guerre.

Vie du missionnaire parmi les populations musulmanes

(...) Les missionnaires isolés comme moi sont fort rares. Leur rôle est de préparer la voie, en sorte que les missions qui les remplaceront trouvent une population amie et confiante, des âmes quelque peu préparées au christianisme, et, si faire se peut, quelques chrétiens. (...) Il faut nous faire accepter des musulmans, devenir pour eux l'ami  sûr, à qui on va quand on est dans le doute ou la peine, sur l'affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument. Ce n'est que quand on est arrivé là qu'on peut arriver à faire du bien à leurs âmes. Inspirer une confiance absolue en notre véracité, en la droiture de notre caractère, et en notre instruction supérieure, donner une idée de notre religion par notre bonté et nos vertus, être en relations affectueuses avec autant d'âmes qu'on le peut, musulmanes ou chrétiennes, indigènes ou françaises, c'est notre premier devoir : ce n'est qu'après l'avoir bien rempli, assez longtemps, qu'on peut faire du bien.

Ma vie consiste donc à être le plus possible en relation avec ce qui m'entoure et à rendre tous les services que je peux. À mesure que l'intimité s'établit, je parle, toujours ou presque toujours en tête à tête, du bon Dieu, brièvement, donnant à chacun ce qu'il peut porter, fuite du péché, acte d'amour parfait,acte de contrition parfaite, les deux grands commandements de l'amour de Dieu et du prochain, examen de conscience, méditation des fins dernières, à la vue de la créature penser à Dieu, etc., donnant à chacun selon ses forces et avançant lentement, prudemment. Il y a fort peu de missionnaires isolés faisant cet office de défricheur ; je voudrais qu'il y en eût beaucoup : tout curé d'Algérie, de Tunisie ou du Maroc, tout aumônier militaire, tout pieux catholique laïc (à l'exemple de Priscille et d'Aquila), pourrait l'être.

Le gouvernement interdit au clergé séculier de faire de la propagande anti-musulmane ; mais il s'agit de propagande ouverte et plus ou moins bruyante : les relations amicales avec beaucoup d'indigènes, tendant à amener lentement, doucement, silencieusement, les musulmans à se rapprocher des chrétiens devenus leurs amis, ne peuvent être interdites par personne. Tout curé de nos colonies, pourrait s'efforcer de former beaucoup de ses paroissiens et paroissiennes à être des Priscille et des Aquila. Il y a toute une propagande tendre et discrète à faire auprès des indigènes infidèles, propagande qui veut avant tout de la bonté, de l'amour et de la prudence, comme quand nous voulons ramener à Dieu un parent qui a perdu la foi...

Espérons qu'après la victoire nos colonies prendront un nouvel essor. Quelle belle mission pour nos cadets de France, d'aller coloniser dans les territoires africains de la mère patrie, non pour s'y enrichir, mais pour y faire aimer la France, y rendre les âmes françaises et surtout leur procurer le salut éternel, étant avant tout des Priscille et des Aquila !

                                                 Comment franciser les peuples de notre empire africain?

Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l'Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie : une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruite à la française, sans avoir l'esprit ni le coeur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l'étiquette pour pouvoir par elle influencer les masses ; d'autre part, la masse des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée de nous, fermement mahométane, portée à la haine et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts, par les contacts qu'elle a avec les Français (représentants de l'autorité, colons, commerçants), contacts qui trop souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d'elle. Le sentiment national ou barbaresque s'exaltera dans l'élite instruite : quand elle en trouvera l'occasion, par exemple lors de difficultés dela France au dedans ou au dehors, elle se servira de l'islam comme d'un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à créer un empire africain musulman indépendant.

L'empire Nord-Ouest-Africain de la France, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française, etc., a 30 millions d'habitants ; il en aura, grâce à la paix, le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrès matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé d'habitants rompus au maniement de nos armes, dont l'élite aura reçu l'instruction dans nos écoles. Si nous n'avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu'ils deviennent Français est qu'ils deviennent chrétiens.

Il ne s'agit pas de les convertir en un jour ni par force, mais tendrement, discrètement, par persuasion, bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à une prise de contact étroite et affectueuse, oeuvre surtout de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux que les prêtres et prendre un contact plus intime.

Des musulmans peuvent-ils être vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D'une manière générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans s'y opposent ; avec certains il y a des accommodements ; avec l'un, celui du Mehdi, il n'y en a pas : tout musulman (je ne parle pas des libres-penseurs qui ont perdu la foi) croit qu'à l'approche du jugement dernier le Mehdi surviendra, déclarera la guerre sainte, et établira l'islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non-musulmans. Dans cette foi, le musulman regarde l'islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants ; s'il est soumis à une nation non musulmane, c'est une épreuve passagère ; sa foi l'assure qu'il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la sagesse l'engage à subir avec calme son épreuve ; "l'oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes et se casse les ailes ; s'il se tient tranquille, il se trouve intact le jour de la libération", disent-ils ; ils peuvent préférer telle nation à une autre, aimer mieux être soumis aux Français qu'aux Allemands, parce qu'ils savent les premiers plus doux ; ils peuvent être attachés à tel ou tel Français, comme on est attaché à un ami étranger ; ils peuvent se battre avec un grand courage pour la France, par sentiment d'honneur, caractère guerrier, esprit de corps,fidélité à la parole, comme les militaires de fortune des XVIe et XVIle siècles, mais, d'une façon générale, sauf exception, tant qu'ils seront musulmans, ils ne seront pas Français, ils attendront plus ou moins patiemment le jour du Mehdi, en lequel ils soumettront la France.

De là vient que nos Algériens musulmans sont si peu empressés à demander la nationalité française : comment demander à faire partie d'un peuple étranger qu'on sait devoir être infailliblement vaincu et subjugué par le peuple auquel on appartient soi-même ? Ce changement de nationalité implique vraiment une sorte d'apostasie, un renoncement à la foi du Mehdi...

                                                                             Les Kabyles

Comme vous, je désire ardemment que la France reste aux Français, et que notre race reste pure. Pourtant je me réjouis de voir beaucoup de Kabyles travailler en France ; cela semble peu dangereux pour notre race, car la presque totalité des Kabyles, amoureux de leur pays, ne veulent que faire un pécule et regagner leurs montagnes.

Si le contact de bons chrétiens établis en Kabylie est propre à convertir et à franciser les Kabyles, combien plus la vie prolongée au milieu des chrétiens de France est-elle capable de produire cet effet !

(...) Si la race berbère nous a donné sainte Monique et en partie saint Augustin, voilà qui est bien rassurant.

Pour que les Kabyles deviennent français, il faudra pourtant que des mariages deviennent possibles entre eux et nous : le christianisme seul, en donnant même éducation, mêmes principes, en cherchant à inspirer mêmes sentiments, arrivera, avec le temps, à combler en partie l'abîme qui existe maintenant.

En me recommandant fraternellement à vos prières, ainsi que nos Touaregs, et en vous remerciant encore de votre lettre, je vous prie d'agréer l'expression de mon religieux et respectueux dévouement.

Votre humble serviteur dans le Cœur de Jésus.

Charles de Foucauld

René BAZIN (1853-1932)

 

Prière à Notre-Dame d'Afrique

pour la conversion des musulmans

(composée par Mgr PAVY, second évêque d'Alger, en 1858)

Ô Coeur Saint et Immaculé de Marie, si plein miséricorde, soyez touché de l'aveuglement et de la profonde misère des Musulmans. Vous, la Mère de Dieu fait homme, obtenez-leur la connaissance de notre Sainte Religion, la grâce de l'embrasser et la pratiquer fidèlement, afin que, par votre puissante intercession, nous soyons tous réunis dans la même foi, la même espérance et le même amour de votre divin Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a été crucifié et qui est mort pour le salut de tous les hommes, et qui, ressuscité plein de gloire, règne en l'unité Père et du Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

Empalement Ottoman

Ou l'avenir des droits de l'Homme en Europe

Quand on ordonna à Radislav de se coucher, il hésita un moment, puis sans regarder les tziganes ni les gendarmes, comme s'ils n'existaient pas, il s'approcha du Plevliak 22, presque en confidence, comme de quelqu'un des siens, et lui dit d'une voix basse et sourde :

« Ecoute par ce monde et par l'autre, fais-moi cette bonté, perce-moi de façon que je ne souffre pas comme un chien ».

Le Plevliak sursauta et cria après lui comme s'il se défendait contre cette sorte de conversation trop confidentielle :

« Marche ! Chrétien ! Est-ce que toi, le lascar qui démolis ce qui appartient au sultan, tu vas te mettre ici à supplier comme une femme ? Il en sera comme il a été ordonné, et comme tu l'as mérité ».

Radislav baissa la tête encore plus bas tandis que les Tziganes s'approchaient de lui et le dépouillaient de sa peau de mouton et de sa chemise. Sur sa poitrine apparurent les plaies causées par les chaînes, rouges et tuméfiées. Sans rien dire de plus, le paysan se coucha comme on le lui avait ordonné, la face tournée vers la terre.

Les Tziganes s'avancèrent et lui lièrent d'abord les mains dans le dos, puis ils lui attachèrent une corde à chaque jambe autour des chevilles. Chacun tira de son côté, lui écartant ainsi largement les jambes. Pendant ce temps, Merdjan plaça le pieu sur deux morceaux de bois courts et cylindriques, de façon que la pointe arrivât entre les jambes du paysan. Il tira ensuite de sa ceinture un couteau large et court, s'agenouilla près du condamné étendu et se pencha sur lui pour couper l'étoffe de ses pantalons entre les jambes, et pour élargir l’ouverture à travers laquelle le pieu allait pénétrer dans le corps. Cette partie la plus épouvantable du travail du bourreau resta heureusement invisible pour les spectateurs. On vit seulement le corps ligoté tressaillir sous la piqûre brève et imperceptible du couteau, se dresser à moitié, comme s'il allait se lever , mais retomber soudain en arrière, et frapper sourdement contre les planches.

Dès qu'il eut terminé, le Tzigane sauta, saisit à terre le maillet de bois, et se mit à frapper la partie inférieure et ronde du pieu, à coups lents et mesurés. Entre deux coups, il s'arrêtait un peu et regardait, d'abord le corps dans lequel le pieu s'enfonçait, puis les deux Tziganes, les exhortant à tirer doucement et sans secousse.

Le corps du paysan, les jambes écartées, se convulsait instinctivement, à chaque coup de maillet, la colonne vertébrale se pliait et se courbait, mais les cordes le tiraient et le redressaient.

Sur les deux rives, le silence était tel que l'on distinguait chaque coup et son écho quelque part sur la rive escarpée. Ceux qui étaient le plus rapprochés pouvaient entendre le paysan frapper du front contre la planche, et, de plus, un autre bruit insolite qui n'était ni un gémissement, ni une lamentation, ni le dernier râle, ni aucun son humain quel qu'il soit.

Tout ce corps étiré et torturé faisait entendre un craquement comme une palissade que l'on foule aux pieds, ou un arbre que l'on brise. Tous les deux coups, le Tzigane allait au corps étendu, se penchait au dessus de lui, examinait si le pieu progressait dans la bonne direction, et, quand il s'était assuré qu'il n'avait blessé aucun organe vital, il revenait à sa place, et continuait sa besogne.

Tout cela s'entendait faiblement et se voyait encore moins de la rive, mais les jambes tremblaient, le visage blêmissait, les doigts se glaçaient.

Pendant un moment, les coups s'arrêtèrent. Merdjan avait remarqué qu'au sommet de l'omoplate droite les muscles étaient tendus, et la peau se levait. Il s'approcha rapidement, et, à travers cet endroit gonflé, il fit une incision en forme de croix. Un sang pâle coula, tout d'abord en petite quantité, puis toujours plus fort. Encore deux où trois coups, légers et prudents, et à l'endroit percé se mit à apparaître la pointe ferrée du pieu. Il frappa encore plusieurs fois jusqu'à ce que la pointe atteignît la hauteur de l'oreille droite.

L'homme était empalé sur le pieu comme un agneau sur une broche, seulement la pointe ne lui sortait pas par la bouche, mais dans le dos, et n'avait gravement endommagé ni les intestins, ni le cœur, ni les poumons.

Alors Merdjan rejeta le maillet et s'approcha. Il examina le corps immobile, contournant le sang qui tombait goutte à goutte des endroits par lesquels le pieu était entré et sorti, et qui s'accumulait en petites flaques sur les planches. Les deux Tziganes retournèrent le corps engourdi sur le dos, et se mirent à lui lier les jambes au bas du pieu. Pendant ce temps, Merdjan regardait si l'homme était toujours vivant, et examinait attentivement ce visage qui devint tout d'un coup boursouflé, plus large et plus grand. Les yeux étaient grands ouverts et inquiets, mais les paupières restaient immobiles, la bouche était béante, les deux lèvres raides et contractées, les dents blanches serrées. L'homme ne pouvait plus contrôler certains muscles de son visage ; c'est pourquoi sa face ressemblait à un masque. Mais son cœur battait sourdement, et ses poumons avaient un souffle court et accéléré.

Les deux Tziganes se mirent à le dresser comme un mouton sur une broche. Merdjan leur criait de faire attention, et de ne pas secouer le corps, et lui-même aidait l'opération. Ils fixèrent la partie inférieure du pieu épaisse entre deux poutres, et bloquèrent le tout avec de grands clous, puis, derrière, à la même hauteur, ils consolidèrent l'ensemble avec un morceau de bois court qu'ils clouèrent aussi contre le pieu et contre les poutres des échafaudages.

Quand leur besogne fut terminée, les Tziganes se reculèrent un peu plus loin, et se joignirent aux gendarmes. Et, sur cet espace vide, resta seul, élevé à hauteur d'homme, redressé, la poitrine en avant et nu jusqu'à la ceinture, l'homme sur le pieu.

De loin on entrevoyait que, à travers son corps passait le pieu auquel étaient attachées ses chevilles, tandis que ses bras étaient liés derrière le dos. C'est pourquoi il semblait au peuple une statue planant dans l'air, au bord même des échafaudages, tout en haut, au dessus de la rivière.

Un murmure passa sur les deux rives, et une agitation ondoyante traversa la foule. Les uns baissèrent le regard, et les autres se dirigèrent rapidement chez eux, sans retourner la tête. La plupart regardaient sans mot dire cette silhouette humaine exposée dans l'espace, anormalement raide et droite. L'épouvante leur glaçait les viscères, leurs jambes se dérobaient sous eux, mais ils ne pouvaient ni s'arracher à ce spectacle, ni en détourner le regard.

C'est le lendemain soir, après 48 heures de ce supplice turc raffiné, que le paysan serbe Radislav rend l'âme. Le bourreau tzigane Merdjan va alors rendre compte de la bonne exécution du travail à celui qui l'avait ordonné, le turc Abidaga, et il lui demande ce qu'il doit faire du cadavre : « Jette le chien aux chiens ! »

            Extrait de : « UN PONT SUR LA DRINA » de Ivo Andric Prix Nobel 1961 de Littérature

(22)Les Tziganes étaient utilisés comme bourreaux par les Turcs ; celui-ci était originaire de la ville de Plevlia

 



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